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Que
se passe-t-il lorsque l'on ferme les yeux et qu'il n'y a aucune
information visuelle ? Les aires primaires visuelles sont
désactivées et pourtant, l'imagerie interne
persiste. En
fait, toutes ces régions du cerveau produisent leurs propres
images que la volonté peut susciter.
« Le
cerveau produit en permanence ses propres
images si bien que certains psychologues estiment qu'en fait nous
hallucinons la réalité plus que nous la
voyons » explique Sophie Schwartz. Les
régions
cérébrales du traitement de l'image
réalisent ce
que les spécialistes appellent des interférences
en
créant une sorte d'image idéale qui n'est pas du
tout
celle perçue par la rétine. La simple impression
de
relief est une construction du
cerveau. « Face à
un paysage, on ne perçoit pas une image faite de points,
lignes
et couleurs, mais des montagnes, des arbres... »
Durant
le sommeil paradoxal, ces régions très actives
pourraient
perdre leur cohérence ou se mettre à fonctionner
indépendamment du reste du cerveau, comme lors de certaines
pathologies mentales. L'absence d'informations visuelles
empêcherait les inférences oniriques
d'être
réajustées. En outre, le lobe
préfrontal
étant peu actif pendant cette phase de sommeil,
l'élimination des images absurdes ou incongrues ne se ferait
pas
correctement. Le rêveur serait alors un spectateur de ses
propres
hallucinations, un naïf croyant aux effets spéciaux
de son
cerveau.
Pourquoi les rêves sont parfois si absurdes ?
Il y a de mauvais rapports entre les différents dimensions
des
objets représentés dans un rêve. On a
beaucoup de
points communs entre les rêves et les lésions
cérébrales. De nombreuses personnes se souvenant
de leurs
rêves et les ayant trouvés très
drôle, font
un bide lorsqu'elles les racontent. Les rêves sont en effet
plus
chargés émotionnellement que la
réalité,
mais cette émotion peut être inadéquate
à la
situation. On peut rester indifférent à une
scène
horrible et être terroriser par un coquelicot. Les images
sont
souvent très bizarres mais respectent un certain
degré
d'organisation ce qui montre une certaine limite aux rêves.
En
effet, les rêves ressemblent rarement à des
tableaux
abstraits.
Lors de l'éveil, les informations auditives sont
traitées
par le biais de l'hémisphère gauche,
où se situent
les aires corticales de traitement du langage. Les informations
visuelles sont triées et analysées dans les lobes
occipitaux. Parallèlement, les lobes préfrontaux
sont
très actifs et servent aussi bien à prendre une
décision qu'à filtrer les informations nerveuses
et
autres pulsions produites en permanence et spontanément dans
les
autres régions du cerveau. Le cortex en état
d'éveil manifeste une activité plutôt
asymétrique, prédominante dans
l'hémisphère
gauche à l'avant de l'encéphale.
Lorsque commence le sommeil, les filtres ascendants excitatrices
responsables de l'éveil sont inhibées par
différents noyaux du tronc cérébral et
du
thalamus. Au niveau du cortex, des inter-neurones inhibiteurs diminuent
l'activité globale des neurones qui se synchronisent. Plus
le
sommeil est profond, plus lentes et amples seront les ondes
cérébrales. Le cortex, siège des
fonctions
supérieures du cerveau (intégration sensorielle,
planification motrice, idéation et intention,
mémoire et
orientation spatiale) se désactive progressivement.
A peu près quatre fois par nuits, la
désactivation
corticale observée lors du sommeil profond est interrompue
par
l'émergence d'un troisième état de
conscience,
appelé sommeil paradoxal. Sous l'effet d'un
générateur situé à
l'arrière du
tronc cérébral, les fibres excitatrices
ascendantes se
réactivent et désynchronisent à
nouveau le cortex.
Pourtant, malgré ce réveil cortical, le dormeur
ne se
réveille pas. Le générateur de sommeil
paradoxal
inhibe les neurones de la moelle épinière
chargés
du transfert des signaux moteurs et provoque ainsi une atonie totale
hormis quelques frétillements du bout des doigts et surtout
des
mouvements occulaires extrêmement rapides appelés REM (rapid
eye mouvment). Durant le sommeil
paradoxal,
l'activité corticale est plus symétrique que lors
de
l'éveil. Des régions profondes comme le thalamus,
l'hypothalamus, le système limbique, surtout l'amygdale
(responsable de l'évaluation émotionnelle et de
la peur)
et la base du lobe temporal et de la région
occipitaux-temporale
(LT et LOT) se retrouvent relativement plus actives que les lobes
préfrontaux et pariétaux. Cette
différence
explique en partie l'hypothèse selon laquelle le
rêve a
lieu durant le sommeil paradoxal :malgré la
fermeture des
paupières, les régions produisant par exemple
l'imagerie
cérébrale (LOT) se retrouvent
suractivées tandis
que les lobes frontaux se montrent moins à même
d'exercer
leur rôle de filtre.
Normalement, lorsque l'activité mentale est faible, c'est le
cas
du sommeil lent, les ondes cérébrales sont
généralement synchrones. En sommeil paradoxal,
c'est tout
le contraire : activation et désynchronisation. Ces
PGO
sont connus pour être responsable des rêves et de
leurs
images. Ils prennent naissance dans un petit groupe de neurones PGO-on
situés dans le pont. Ces neurones excitent le noyau visuel
du
thalamus, puis le cortex visuel, et donnent ainsi naissance aux images
de nos rêves. Cependant, on sait aussi que ces ondes se
propagent
dans d'autres systèmes sensoriels du cortex
cérébral. C'est pourquoi le rêve peut
faire
intervenir des bruits et certaines sensations tactiles.
Au début de ses recherches, M.Jouvet pensait que la
noradrénaline, une monoamine, était
libérée
par des neurones SP-on. Maintenant, on sait que c'est l'inverse, ce
sont les SP-off. Aujourd'hui, on convient que les neurones de type on
-regroupés dans un système exécutif-
dont de deux
types : les cholinergiques et les acides aminés
excitateurs, glutanate en particulier. Pour le système
permissif, donc les neurones SP-off, les monoaminergiques dominent. Ce
sont des des neurones aux neurotransmetteurs
variés :
noradrénaline, adrénaline, histamine et
sérotonine. Tous sont impliqués dans d'autres
voies
neurologiques comme la régulation de l'humeur, de la
mémoire et des états de vigilance. Pour
l'instant, on
sait que les neurones monoaminergiques inhibent les SP-on, mais aucune
preuve ne permet de dire qu'ils les stimulent par l'arrêt de
leur
activité. Les chercheurs supposent que l'interruption des
neurones SP-off GABA (acide gamma-aminobutyrique) ergiques permettrait
une activation de plusieurs populations de neurones SP-on
cholinergiques et glutamatergiques. Ces neurones s'exciteraient alors
mutuellement jusqu'à un stade où ils
déclencheraient le sommeil paradoxal. Le modèle
semble
bien compliqué : les neurones
possèderaient un
mécanisme d'auto-inhibition. Des neurones cholinergiques ne
peuvent donc activer que des neurones non cholinergiques, glutamates
par exemple. On en découvre
régulièrement de
nouveau. Enfin, même si la clé du sommeil
paradoxal se
situe dans le périlocus
coeruleus alpha, le
modèle est loin d'être simplifié.
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