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Chez
les Dénés le rêve est perçu
comme un
élément clef de la construction de
l'identité et
du processus de
socialisation de la personne.
Car les rêves sont le fait de tous les membres de la
communauté, qu'ils soient jeunes ou vieux, hommes ou femmes.
On
en parle, on en discute, et leur importance s'exprime dans
les
relations sociales qui s'établissent autour de leur
traitement.
L'importance des rêves se perçoit aussi dans les
modèles d'interprétation onirique, en effet chez
les
Dénés le rêve n'est pas seulement un
événement personnel ; en tant
qu'événement narratif, il acquiert une
portée
sociale évidente ; en tant que vecteur
privilégié des rapports avec le surnaturel, il
fait
partie du domaine politique en exprimant la répartition des
pouvoirs-médecines, en particulier les pouvoirs chamaniques
et
les pouvoirs de chasse.
Dans les différents dialectes septentrionaux, les
Dénés désignent les rêves,
les visions ou
les apparitions spontanées et les impressions obtenues
durant
les états de transes volontaires par les mêmes
termes.
Mais le rêve ordinaire qui se produit durant le sommeil et
plus
précisément durant le sommeil paradoxal est de
loin le
mode dominant de l'ensemble de ces pratiques, même dans le
travail chamanique, les termes dénotant le sommeil
remplaçant souvent dans les récits une mention
explicite
du rêve. Le rêve est défini comme une
faculté
que les êtres humains partagent avec les animaux et les
autres
entités, qui ont eux aussi accès aux dons qui
découlent du rêve.
Chez les
Dénés le rêve se présente
sous de multiple
facettes, ainsi comme nous l'avons écrit
précédemment il permet l'accès aux
pouvoirs
« surnaturels » tel que les
pouvoirs chamaniques
et les pouvoirs de chasse mais aussi aux pouvoirs moins
définis
mais tout aussi reconnus qui en tant que mode de
communication le
rêve permet le contact avec diverses entités
ainsi, c'est
par le rêve que le chasseur reçoit des indications
sur le
gibier disponible, qu'une future mère fait connaissance avec
son
enfant à peine conçu, que les morts entrent en
contact
avec les vivants, les esprits avec les humains ou encore que les
membres d'une communauté gardent le contact avec les
absents.
Au sein de la société le chaman est un individu
qui
rêve mieux et va plus loin que les autres, c'est une question
de
degré plutôt que de nature. C'est au cours du
rêve
que les futurs chamans font connaissance avec leurs esprits et qu'ils
reçoivent le savoir dont ils auront besoin. C'est aussi en
rêve que les chamans rencontrent leurs auxiliaires, qu'ils
découvrent les problèmes de leurs clients et
tentent de
les résoudre. Autrefois l'apprenti chaman était
censé obtenir des chants durant ses rêves, le
chant
étant considéré comme partie
intégrante du
pouvoir chamanique, une manifestation de l'esprit auxiliaire. Le
nouveau chaman, homme ou femme, réveillait alors
toute sa
famille si ce n'est tout le campement, pour que le chant soit entendu,
répété et appris avant qu'il ne
s'efface de la
mémoire du novice. Par contre le rêve dont le
contenu
appel a une réaction de la communauté est
répandu
par les proches et les amis du rêveur et devient
rapidement
un objet de discussion, un sujet d'inquiétude ou une
occasion de
réjouissance, selon les cas. Les prémonitions
sont prises
très au sérieux, ainsi la femme qui
rêve qu'un
malheur menace une expédition de cueillette
prévue pour
le lendemain va faire part de ses craintes à ses compagnes
afin
que certaines précautions soient prises ; de
même, la
personne qui se sent malade ou affaiblie demandera à ses
voisins
l'aide dont elle à besoin par
l'intermédiaire d'un
rêve exprimant son désarroi face au
travail qui
l'attend. Dans les deux exemples ici présentés le
rêve devient le langage au travers duquel s'expriment
à la
fois l'individu et la communauté. Chacun construit son
propre
code onirique en fonction de ses expériences
personnelles
antérieures. Pour ces personnes habitué au
partage de
leurs rêves, les versions individuelles du pays sont
peuplées de caractères plus ou moins familiers,
de figure
composant des paysages intérieurs plus riches les uns que
les
autres, mais toujours différents.
Dans la culture Dénée le rêve est
défini
comme un mode d'existence distinct de l'état
d'éveil
ordinaire en ce sens où il déplace le lieu de la
conscience, ou de la perception, du corps vers l'esprit,
différent de celui de l'état d'éveil
ordinaire en
effet un deuxième esprit complète la
définition
dénée de l'être humain. Durant le
rêve
l'esprit acquiert le pouvoir de communiquer avec d'autres esprits et de
se déplacer dans l'espace spirituel, cet espace
étant
aussi celui des animaux, des morts et d'autres entités
invisibles. Le rêve est traité comme une
expérience
en soi, il n'est pas perçu comme un reflet passif de la
réalité, mais plutôt comme une
façon de
participer à la réalité. Les actions
commises en
rêves sont considérées comme pouvant
avoir des
conséquences directes sur la réalité.
Le
rêve n'est pas perçu comme une image ou une
représentation de la réalité, il la
prolonge et
constitue une autre façon de la vivre.
CONCLUSION
Il nous
faut donc bien avouer notre ignorance considérable lorsque
nous
étudions le sommeil et le rêve. Même si
intuitivement nous devinons que l’un des rôles du
sommeil
est d’économiser l’énergie
cérébrale, nous savons aussi qu’il
prépare
les conditions suffisantes à l’apparition du
rêve.
Mais pourquoi l’évolution nous a-t-elle construit
un
cerveau qui périodiquement, au cours du sommeil, est soumis
à une machinerie qui délivre des images
fantasques,
paralyse notre tonus musculaire, supprime la plupart des
régulations homéostasiques? Nous connaissons
beaucoup de
comment sans que cela nous autorise à connaître le
pourquoi puisque nous sommes incapables de déceler des
modifications évidentes au niveau du comportement, du
cerveau ou
de l’organisme lorsque nous supprimons durablement le sommeil
paradoxal ou le rêve chez l’animal ou chez
l’homme.
Avons-nous été une
génération
d’aveugles depuis 1960 ?
Pas
tout à fait
car justement, la psychanalyse nous a aidé en
créant ses
propres concepts qui répondent aux problèmes
scientifiques et en développant ses propres
méthodes
d’interprétation.
Évidemment,
ne
reposant sur aucune base rationnelle et sûre, elle
disparaîtra lorsque la science percera le grand
mystère du
rêve. Et alors, la prochaine
génération, aveugle
à sa propre cécité,
s’étonnera de
notre aveuglement.
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